Le mur de sable

Le Sahara occidental est le dernier pays africain dont le statut postcolonial n’a pas été fixé.
Après le départ de l’Espagne, en 1975, le Maroc et la Mauritanie prennent possession du territoire.
Plus de 100.000 personnes fuient à l’ouest de l’Algérie, dans la région de Tindouf. Ils y vivent toujours. Reportage dans les camps de réfugiés sahraouis, réalisé en octobre 2018.

Le camp de Smara abrite 50 700 réfugiés sahraouis. Il est le plus grand des six camps installés à l’ouest de l’Algérie, dans la région de Tindouf.
Un enfant joue aux abords du camp de Smara.
Chaque habitant des camps bénéficie de 17 kg de nourriture par mois. Les bailleurs de fonds fournissent des quantités suffisantes pour 125 000 personnes. Or, 173 600 réfugiés vivent ici. Le Croissant rouge fait confiance à l’esprit communautaire des Sahraouis pour qu’ils partagent eux-mêmes la nourriture, en évaluant les besoins de chacun.
Le Croissant rouge sahraoui doit souvent puiser dans les stocks de réserve pour fournir de la nourriture en quantité suffisante aux réfugiés.
Lorsque leurs finances le permettent, les Sahraouis se procurent de la viande au marché pour améliorer la qualité de leur alimentation et varier les repas.
Les chameaux sont élevés dans les territoires libérés du Sahara occidental (zone occupée par les Sahraouis). Lorsqu’ils sont prêts à être abattus, ils sont conduits dans des enclos dans les camps. Leur viande est ensuite vendue au marché.
Carcasses de voitures en bordure du camp de Smara, avant une tempête de sable.
Des commerces se sont développés dans les camps. Ce magasin propose des chaines hifis, des Smartphones, des batteries, des shampoings, des parfums, des câbles et même des manettes de PS3. Les gérants se fournissent à Tindouf.
Ali tient une épicerie. Il gagne l’équivalent de 70 euros par mois. Il dispose d’un Bachelier en mécanique et se sent frustré de ne pas pouvoir exercer dans ses compétences. « Je suis en train de demander un visa pour l’Europe. Là bas, je pourrai certainement exercer ma profession et me rendre plus utile », explique-t-il.
Safia a 80 ans. Lorsque le Maroc et la Mauritanie ont envahi le Sahara occidental en 1975, elle a fui les bombes jusqu’en Algérie. Safia a des mains d’hommes. « Quand nous sommes arrivées, les femmes ont dû construire les maisons, les écoles, les centres de santé. Nous avons appris aux femmes à enseigner, à lire et à écrire ainsi qu’à donner les premiers secours aux hommes qui rentraient du front », explique-t-elle.
Après 43 ans de vie dans les camps, les réfugiés commencent à construire des maisons en béton. La majorité des maisons en briques d’adobe sont détruites par les intempéries.
Un jeune Sahraoui construit sa maison en béton devant la tente de sa mère.
Le camp de Boujdour a été le premier à installer l’électricité, il y a une dizaine d’années. Mais aujourd’hui, ses infrastructures sont en retard par rapport aux autres camps. Il a été très difficile pour les Sahraouis de se décider à s’installer de manière durable. Au départ, ils refusaient d’investir dans les infrastructures pour que le message adressé à la Communauté internationale soit clair : « Nous n’allons pas rester ici. Nous voulons partir ».
Dans le camp de Smara, l’électricité a été installée il y a deux ans.
De plus en plus de Sahraouis commencent à investir dans l’agriculture. Ici, des carottes et des haricots verts vont être semés. Les semences sont achetées à Tindouf ou fournies par les ONG.
Des enfants jouent sur le réservoir d’eau du camp de Smara.
L’UNHCR distribue des réserves d’eaux aux quartiers. Chacun dispose normalement de 12 litres par jour, mais il arrive souvent qu’il y ait des pénuries et que les Sahraouis doivent aller s’approvisionner dans d’autres quartiers.
Dans les territoires libérés, sur le territoire du Sahara Occidental occupé par les Sahraouis, Lud s’abreuve à l’eau d’une oasis. Par chance, il a plu hier soir.
Des membres du protocole du Polisario se prennent en photo dans les territoires libérés. Comme la majorité des Sahraouis, ils vivent dans les camps de réfugiés, sur le territoire algérien et ne viennent ici que rarement.
Le mur de sable qui divise le Sahara occidental fait 2720 km de long. Sa construction a été achevée en 1980. En construisant cette frontière, le Maroc a voulu délimiter ses territoires. Le mur est protégé par des bases militaires. C’est aussi l’un des territoires les plus minés au monde. Certaines mines ont été identifiées et signalées à l’aide de cercles de pierre. En face des Marocains, des activistes ont déposé une fleur par mine antipersonnel.
En 1991, un cessez-le-feu a été signé entre le Maroc et le Sahara occidental. Il prévoyait l’organisation d’un référendum pour l’autodétermination des Sahraouis. Lorsque les réfugiés ont appris la nouvelle, ils ont construit des malles pour empaqueter quelques affaires. Ils étaient persuadés qu’ils rentreraient au Sahara occidental. 27 ans plus tard, le référendum n’a toujours pas eu lieu et les « malles du retour » attendent toujours d’être utilisées.
Ces femmes construisent une tente pour leur nièce vivant dans les territoires libérés. La semaine dernière, sa mère a été mordue par un serpent et n’a pas pu être sauvée faute de secours immédiats. Ce genre d’accident arrive fréquemment dans les territoires libérés. La nièce va venir s’installer dans le camp de Smara la semaine prochaine.
Ahmed a été blessé au combat en 1981. Depuis, il vit dans le centre des victimes des mines antipersonnel, séparé de sa famille qui vit de l’autre côté du mur « Ca fait 40 ans que je vis ici, 40 ans que je n’ai plus vu ma famille. Ni mon frère, ni ma mère, ni mon père. Je ne crois plus en rien », affirme-t-il, les larmes aux yeux.
Les parents sont soucieux lorsqu’ils pensent à l’avenir de leurs enfants. La majorité accepte que leur génération ait été sacrifiée, mais refuse qu’il en soit de même pour leurs enfants.

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